textes

 

"Maud Revel n'a pas le souci de se situer ni de se référer à quelques figures tutélaires. Etre en marge ne lui coûte pas. Avouer certaines ignorances non plus. D'ailleurs, elle ne cherche même pas à les corriger. Elle parle peu mais son regard questionne avec une douce insistance qui déconcerte. Elle donne la curieuse impression de prendre, pour approcher les choses et les êtres, le chemin qui en rapproche et en éloigne, qui prend son temps et ne se prive d'aucun détour. Elle ne programme rien. Semble sans cesse en attente d'une rencontre, d'une surprise ou d'une incitation.
Ce qui compte, c'est de recueillir non de produire. Elle travaille avec ce qu'elle a sous la main et accorde son attention à des riens, des histoires sans importance et des énergies oubliées. Avec certes quelques hésitations, peut-être des doutes, Maud Revel soupèse, mesure, s'assure d'une emprise. La modestie de son propos prend appui sur une écoute bienveillante, souple mais aussi pleine d'exigence.
Maud Revel dessine ce qui croise son regard mais sans regarder le feuille de papier, sans être sûre de ce qu'elle dessine, éclabousse le mur d'une étrange constellation de punaises de couleur, présente des écritures illisibles, des textes effacés, comme absorbés par le mur qui ne restitue que la trace du passage de la gomme.
Elle appelle une forme incertaine, évanescente qui tente de contenir l'expérience fragile mais persistante de la disparition et de l'attente. Elle creuse un fond de réel ordinaire en quête d'une trouée d'invisible, d'une question à laquelle il ne sera pas répondu. L'œuvre ne consiste donc pas à construire mais à faire disparaître non pas pour signifier les limites d'une relation au monde, à l'autre mais pour susciter une attente. Maud Revel retire une partie de la substance de ce qu'elle décide de montrer et ne laisse se révéler qu'une pure énigme qui convie à s'interroger sur son centre inaccessible.
Ce sens de l'économie qui tourne dos à toute stratégie nous oblige à renouer avec un niveau élémentaire du dire et du voir. L'absence ici ne prétend pas replier un message sur lui-même, le boucler à double tour par la suppression de ses conditions d'apparition. Elle ouvre, au contraire, une brèche dans ces écrans dressés par l'écriture et l'image. Maud Revel ne cède pas à la tentation d'accumuler, d'amplifier et de croire ainsi à la possibilité d'excéder les frontières de la finitude. Elle enlève, retranche, transperce pour atteindre à cette infime présence des choses et des émotions contenues dans une simple respiration."

Didier Arnaudet - 1997

 

"... Mes photos se posent comme des pièces à conviction d’événements sans importance, des vestiges d’une action toute banale, montrer et soustraire, dualité quasi permanente, comme un acte de parole ébauché ou une fiction qui donne les éléments d’un scénario à construire. Mais entre ce qui apparaît et ce qui échappe, se laisse entrevoir un semblant de vérité ou une réticence à fixer les apparences... "
Les élans sont freinés, immédiatement après leur apparition. Ils implosent, je les y force, à retourner dedans, pour qu’ils décantent, justement parce qu’ils sont des élans et qu’ils pourraient s’égarer, être bruyants et cacher ainsi la nécessité de faire les choses. Ces choses -mon travail- qui ne prennent forme que quand je ne les espère plus : être loin ou ailleurs, à des lieux en retrait, enfin alors elles viennent, résultat d’une attente mais comme une évidence et si familières. Impalpables, elles ne se divulguent que pour mieux montrer leur disparition. Souvent, elles étaient dans l’ombre depuis longtemps, masquer dans les gestes quotidiens, les habitudes, il fallait les épurer, les débarrasser de leur brutalité ou les oublier. Ces choses peuvent alors trouver leur site, prendre forme et s’approprier leur propre façon d’exister.

Maud Revel

les buées
les buées
les absences
les absences
les jalousies
les jalousies
des photos
des photos
les insomnies
les insomnies
les pelures
les pelures
les confitures de journal
les confitures
les intérieurs
les intérieurs
les punaises
les punaises
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